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Le Temps à l'école , Hélène de PRÉMARE , Paul BALARESQUE

Le temps, pédagogie de Dieu

« Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage, traversé çà et là par de brillants soleils. » Charles BEAUDELAIRE

Heureuse ou triste, pour la jeunesse le rapport au temps est une découverte, et parfois une épreuve. Pour le dire comme ce poète «  Ô douleur ! ô douleur ! Le Temps mange la vie. » Cela pourrait se rapprocher du syndrome de Peter Pan. Peu importe la manière, le temps demeure mystérieux, et le rapport du jeune à celui-ci se doit d’être éduqué afin de lui donner les moyens de le saisir, l’appréhender et de se l’approprier.

Le temps est un objet intellectuel difficile à saisir pour un enfant, outre la difficulté de se situer dans une chronologie, le temps comme créature lui paraît très étrange. Après cette dimension intellectuelle, le jeune doit apprendre à utiliser le temps comme un soutien et une aide pour lui. Comme la raison qui en appelle à son propre dépassement, un usage sain du temps appelle l’éternité. La pédagogie du temps ouvre la porte à la vie divine.

Qu’est-ce que le temps ?

Dans un premier temps voici un florilège de questions d’enfants sur le temps, avec une proposition de réponse. Les questions des élèves nous permettent surtout de les aider à saisir que le temps est une créature.

Que faisait Dieu avant de créer ?

Au-delà de la question logique, l’enfant de primaire exprime par cette question son désarroi face au temps. Dieu devait s’ennuyer avant la création. Il pense le temps comme une sorte de transcendant auquel Dieu est soumis. Il exprime aussi sa propre inquiétude face à l’ennui. Une des punitions les plus redoutées est celle de l’exclusion, du coin, où il n’y a rien à faire avec personne. Un « moment » sans temps est pour lui un moment de parfait ennui, une tristesse insondable. Une réponse adéquate doit prendre en compte à la fois la dimension logique et la dimension existentielle. Par exemple :

« Avant la création, Dieu était déjà là. Il a toujours été là et il sera toujours là. Dieu est éternel : il n’a ni commencement ni fin. Il n’attendait pas — il aimait déjà. La création, c’est son amour qui déborde, qui se met à exister par sa volonté, car c’est nous qu’il veut aimer. Ce que nous appelons le temps ne parle pas du point de vue de Dieu mais du nôtre. Le temps, pour nous, c’est le début du débordement d’amour de Dieu envers nous.

Qu’est-ce que l’éternité ?

Sous une autre forme, c’est toujours l’inquiétude de l’ennui qui s’exprime, ainsi que l’incapacité à saisir le temps comme créature. Dans leur imaginaire l’éternité, selon l’expression, est longue surtout vers la fin. L’éternité se forme dans leur imagination par un étirement du temps qui dure. La solution pour leur faire saisir l’éternité se trouve dans cette durée. Sans forcément ressortir la philosophie de Bergson, l’éducateur peut aider l’élève en lui faisant saisir que l’éternité est plus proche d’un temps qui n’a plus de temps. Un hors du temps, comme lorsque la récréation semble trop courte, ou qu’un cours passionnant s’achevant trop vite – bien que cela soit plus rare. Pour un élève plus âgé, il est possible encore de lui faire saisir que l’éternité est du point de vue de Dieu et non du nôtre. Puisque nous ne l’avons jamais vécu, il nous est difficile de la saisir. Elle est même, en quelque sorte, l’opposé de ce que nous éprouvons. Exemples de réponse :

«  Le temps tel que nous le connaissons — que l’homme a découpé en secondes, minutes, mois, années, etc. — est une réalité créée par Dieu. Dans le livre de la Genèse, Dieu introduit en quelque sorte le temps. D’une part, la création s’inscrit dans une chronologie : premier jour, deuxième jour… D’autre part, il institue le jour et la nuit, éléments essentiels du cycle du temps. D’une certaine manière, l’Histoire commence avec la Création. Elle a donc un commencement et une fin — ce que nous appelons « la fin des temps ». Avant cette création, autour de cette création, après cette création c’est l’éternité.

L’éternité, ce n’est pas un très long temps : c’est autre chose que le temps. C’est la vie même de Dieu, qui ne passe pas, qui n’a ni commencement ni fin. Dans l’éternité, tout est plein, tout est maintenant, tout est amour. De manière plus concrète, nous pouvons le comparer à un moment de joie vécu : une bonne journée en famille, une soirée agréable avec ses amis. Ces instants nous font gouter la joie d’une forme de plénitude. Cette plénitude sera encore plus parfaite dans l’éternité de Dieu.
Quand nous prions, ou quand nous aimons vraiment, nous avons déjà un avant-goût de cette éternité sur la terre. L’éternité est un temps plein, ce n’est pas un temps qui passe. L’enjeu de la prière pour les enfants consiste à leur faire goûter cette plénitude au lieu du temps qui ne passe jamais assez vite lorsqu’ils s’ennuient.

Suis-je libre si Dieu sait ce que je vais faire ?

Derrière cette question, nous retrouvons la question de la prédestination. Sommes-nous véritablement libres ou bien tout est déjà décidé par un tyran cruel (ou despote éclairé) ? Certains élèves peuvent se sentir rassurés à l’idée que tout est prévu et que nous suivons une route déjà toute tracée. Pour d’autres, la prédestination les angoisse. A quoi sert-il alors de travailler, faire des choix pour notre avenir ?

Une réponse doit prendre en compte à  la fois l’angoisse d’une vie toute tracée et l’indolence d’une vie de quiétude. C’est une question de liberté plus que temporalité. Un exemple de réponse :

Dieu est omniscient, c’est-à-dire qu’il sait tout. Néanmoins, il est dans l’éternité qui embrasse toute chose, c’est d’ailleurs pourquoi Il les sait. Il pourrait tout décider à notre place. Mais cela n’est pas lié au temps.

Pour véritablement connaître quelque chose nous avons besoin du temps, Dieu non. Le temps est donné pour le déploiement de notre liberté. Si Dieu avait voulu nous diriger comme des marionnettes, nul n’était besoin de nous placer dans le temps.
Il espère profondément que nous choisissions le bien, c’est-à-dire que nous le choisissions Lui. Il éclaire notre discernement par sa Parole, ses enseignements, les sacrements…

Nous restons donc pleinement libres, même si Dieu nous invite à Le choisir. Les catholiques ne croient pas à la prédestination : si tout était prévu, il n’y aurait plus de liberté. Dieu ne prédétermine pas nos choix, mais il connaît tout. C’est la grande différence entre destinée et providence.
Dieu cherche à nous guider sans jamais contraindre notre liberté.

Comment Dieu utilise-t-il le temps ?

Dans ces questions sur le rapport au temps et à Dieu, ce n’est plus tout à fait la question existentielle de l’enfant par rapport au temps et à son essence. L’enfant commence à apprendre la frustration, l’absence d’immédiateté entre ses désirs et leur réalisation. Dans la Bible, l’enfant découvre que le temps n’est jamais du temps perdu. Il est pédagogique. Dieu se sert du temps pour purifier, préparer, accomplir et sauver. Chaque durée a un sens, et chacune nous apprend à faire confiance au temps de Dieu, qui n’est jamais en retard, mais toujours juste.

Ainsi, dans chacune des réponses il est nécessaire de faire sentir au jeune que le temps n’est pas seulement une créature, mais qu’en plus il est un don de Dieu, pour nous aider à nous rapprocher de Lui.

Pourquoi Dieu ne réalise-t-il pas tout de suite ma prière/ses promesses ?

Pour cette question il faudrait aborder la place de notre prière et son utilité. Ce qui n’est pas notre sujet. En revanche, l’élève a besoin de découvrir que Dieu utilise le temps pour nous convertir. Le temps n’est pas seulement la limite de notre condition de créature, il est aussi un précieux allié pour Dieu grâce auquel il espère notre conversion.

Et puisqu’il est question de promesse divine, c’est toute la Bible et l’Histoire Sainte qui doivent être convoquées. Pourquoi Dieu ne s’est-il pas incarné directement après la Chute ? Pourquoi depuis plus de quatre mille ans nous le promettaient les prophètes, pourquoi depuis plus de quatre mille ans nous attendions cet heureux temps ?

Parce que la prière n’est pas un pouvoir magique. Elle nous permet de mieux aimer Dieu et de mieux comprendre sa volonté. Comme le dit la prière de l’Église : « Notre prière n’ajoute rien à ce que tu es, mais elle nous rapproche de toi. » Il arrive que, dans certaines situations douloureuses, nous ne comprenions pas la volonté de Dieu. Mais nous pouvons être certains d’une chose : Dieu ne nous abandonne jamais. Il agit dans le temps, et parfois notre cœur a besoin de grandir avant de recevoir ce qu’il veut nous donner. Le temps devient alors une école : il nous apprend à faire confiance, à espérer, à aimer davantage.

Pourquoi dans l’Écriture sainte faut-il attendre trois jours, ou quarante ans, ou soixante-dix ans, ou sept jours ? Qu’est-ce que cela signifie ?

Nul enfant ne nous a posé cette question, néanmoins plusieurs autres questions s’en rapprochent. Alors nous les avons regroupées en une seule, qui poursuit notre réflexion sur la pédagogie divine. Dans la Bible, les durées ne sont pas seulement des informations historiques : elles ont aussi un sens spirituel. Dieu se sert du temps pour éduquer son peuple, purifier son cœur et préparer ses promesses.

  • Pourquoi Jésus ressuscite-t-il le troisième jour, et pas au bout de trois jours ? Ce temps a une double signification, d’abord dans l’Exode, trois mois, puis trois jours, désignent le temps d’attente du Peuple avant de rencontrer le Seigneur. C’est le troisième jour que tout se passe. Par extension, ces trois jours deviennent pour Jonas, et le Christ, le temps d’attente avant la manifestation de Dieu. C’est le temps du passage, du danger au salut, de la mort à la vie. Jonas reste trois jours dans le ventre du poisson, Jésus ressuscite le troisième jour.
  • Pourquoi le Carême dure-t-il quarante jours ? Ce temps n’est pas celui de l’attente comme les trois jours, mais le temps de la préparation, Dieu prend son temps avec nous. Cela peut sembler long les quarante ans dans le désert du Peuple, ou nos quarante jours de Carême, et c’est fait exprès. Dieu patiente car nous avançons à notre propre rythme et qu’Il ne veut pas nous brusquer. C’est pourquoi Moïse met quarante ans avant de se révolter contre l’esclavage de son Peuple par Pharaon, puis encore quarante ans avant de rencontrer Dieu dans le buisson ardent, et encore quarante ans avant de voir la Terre Promise. L’attente creuse le désir, ai-je vraiment besoin de ce que je demande à Dieu ? Est-ce bon pour moi maintenant ? Est-ce que je veux que Dieu me donne ce que je veux, ou bien suis-je capable de désirer et de recevoir ce que Dieu veut pour moi ?
  • Pourquoi dit-on que les persécutions ne durent que soixante-dix ans ? Ce nombre est celui donné par l’ange à Daniel sur la durée de l’exil à Babylone. Il est repris dans l’Apocalypse pour évoquer le temps de la persécution. Au-delà d’une prophétie, cela signifie que Dieu dirige le temps, et s’il permet les épreuves, elles ne sont pas sans fin. A la fin Dieu gagne, c’est sûr ! Pour gagner avec lui, il faut tenir bon avec lui, la victoire est certaine ! Savoir que le malheur a une fin, que Dieu compte les jours, est un grand soulagement.
  • Pourquoi la semaine dure-t-elle sept jours ? La semaine de sept jours rappelle la création, Dieu ordonne le temps qui est une de ses créatures, afin que le temps permette à l’homme de grandir vers Dieu. Saint Jean commence son Evangile en reprenant le thème de la création, non seulement il dit « Au commencement était le Verbe », mais il continue en montrant les sept premiers jours de la vie publique de Jésus. Dans le quatre premiers Jésus rencontre Jean-Baptiste et appelle ses premiers disciples, et après une attente de trois jours, le troisième jour, il se manifeste en changeant l’eau en vin lors d’un mariage dans le village de Cana.
  • Pourquoi dit-on que le dimanche est le premier et le huitième jour ? Dieu commence de créer le premier jour, et se repose de sa création le septième jour, c’est pourquoi les juifs font « sabbat » (qui a donné samedi), ils se reposent comme Dieu. Le premier jour de la création est appelé aussi « Jour Un », « jour unique », dans la Genèse pour dire que Dieu a tout créé d’un coup. En ressuscitant le lendemain du sabbat, Jésus transforme le premier jour de la semaine en un jour nouveau. Nous ne fêtons plus seulement Dieu qui créé, mais aussi Dieu qui re-crée. Par sa résurrection Jésus nous fait entrer dans une nouvelle vie, c’est pourquoi le dimanche devient le jour de repos des chrétiens, premier jour de la création et huitième jour qui nous fait entrer dans le Jour de Dieu qui n’aura pas de fin : l’éternité.
  • Mille ans / un jour. Dans plusieurs passages des Écritures, il est question de cette équivalence pour Dieu entre mille ans et un jour. Cela ne signifie pas que le temps n’a aucune valeur, au contraire. Cela signifie que Dieu est en-dehors du temps, et que la valeur du temps est pour nous.

La pédagogie du temps à l’école

Pour faire comprendre la pédagogie de Dieu grâce au temps, et sa place centrale dans la croissance de l’élève, nous ne pouvons nous arrêter à des réponses plus ou moins pertinentes. Le temps est d’abord vécu, par l’élève. Le rythme liturgique, l’apprentissage des vertus et les pauses vécues auprès de Dieu sont des moyens concrets au service de l’appréhension du temps de Dieu par le jeune.

Avent et Carême – temps pour Dieu

Grâce à des livrets, des lancements au début de ces deux temps, et pour les primaires grâce à des rencontres régulières, les temps de conversion de l’Avent et du Carême sont utilisés par l’école pour convertir le regard du jeune, l’aider à prendre du temps pour Dieu.

Des actions de charité sont souvent utilisées pour marquer ces temps, en plus d’actions liturgiques ou paraliturgiques. En plus de cela, nous avons des livrets qui offrent au jeune l’occasion de lire la Parole de Dieu et de la méditer, soit seul, soit en classe. Cela est laissé à la liberté des classes.

La première fois que nous entendons parler de cela, il est normal de faire une moue dubitative sur la pertinence d’un tel travail. N’est-ce pas le risque de retrouver ces livrets dans la poubelle en un temps plus courts que celui qui aura été pris pour les distribuer ? Oui, bien sûr pour une partie des élèves. Ils sont peu nombreux à le faire tous les jours, il suffit de quelques fois pour que cela commence à porter du fruit. Et comme il y a deux livrets par an du collège au lycée, beaucoup finissent par le vivre, l’habitude aidant, on pourra être surpris d’apprendre que des élèves de seconde le lisaient en classe quasi complète au moins une fois par semaine, voire quasi tous les jours pour une classe.

Fêtes – goût d’éternité

Ces deux temps de conversions pour offrir du temps à Dieu préparent aussi à accueillir Dieu dans le temps, par les fêtes de Noël et de Pâques. Ces fêtes ne sont pas les seules, les saints patrons des promotions au collège-lycée, les fêtes de l’année liturgiques en général et surtout au primaire, la fête de l’Immaculée Conception patronne de l’école, toutes ces fêtes avec la semaine Sainte lorsqu’elle tombe en période scolaire, offrent un arrêt des activités, un repos cadeau de Dieu.

C’est en ce sens que ces fêtes offrent un avant-goût de l’éternité. Cette formule qui fleure bon la mauvaise réclame n’en est pas moins juste. C’est d’ailleurs le sens des octaves que nous fêtons après Noël et Pâques, la fête se poursuit sur huit jours qui n’en forment qu’un pour manifester que ce mystère englobe toute la réalité et l’appelle à entrer dans l’éternité, le fameux « jour un » de la Genèse.


« Quand nous prions, ou quand nous aimons vraiment, nous avons déjà un avant-goût de cette éternité sur la terre. »


Les élèves eux-mêmes, aiment à fêter le saint patron de leur promotion, certes en grande part pour les viennoiseries qui marquent la fête, mais aussi car cela rythme leur scolarité d’année en année. Cela leur donne une date pour fêter leur promotion, pour se réunir, pour se réjouir, et insensiblement ils découvrent l’importance des retrouvailles régulières, préfiguration des retrouvailles célestes.

L’éducation pratique aux vertus

Le rôle du préfet comme éducateur au temps s’exprime par l’importance donnée aux vertus. Ce sont elles qui permettent au jeune de prendre en main sa propre progression, sa propre croissance. Par l’apprentissage des vertus, le temps devient un allié de la grâce. Puisqu’une vertu s’acquiert par la répétition d’actes bons, qui enracinent dans la personne une disposition stable au bien, alors le préfet joue un rôle essentiel dans la formation humaine et spirituelle des élèves. Il est une présence stable, à la fois ferme et bienveillante, qui aide chacun à faire l’expérience que le cadre n’est pas une contrainte, mais un soutien pour grandir. Son autorité, vécue dans la cohérence et la charité, devient une aide précieuse pour la liberté intérieure.

Dans cette mission, le préfet éduque sans cesse aux vertus cardinales :

  • La prudence, en invitant les jeunes à réfléchir avant d’agir, à discerner le bien dans le concret de leurs relations et de leurs décisions.
  • La justice, en veillant à ce que chacun soit respecté, entendu et appelé à réparer lorsqu’il a blessé ou manqué.
  • La force, en encourageant la persévérance dans l’effort, le courage de la vérité, la fidélité au devoir.
  • La tempérance, en aidant à maîtriser ses émotions, à équilibrer travail et détente, parole et silence.

Ainsi, la vie quotidienne — un mot oublié, un uniforme mal porté, un service rendu — devient un terrain d’apprentissage spirituel. Le préfet rend visibles les vertus dans la vie ordinaire : il montre que grandir en humanité, c’est déjà entrer dans la pédagogie de Dieu.

Par sa constance et son attention, le préfet rappelle à chacun que la vertu s’acquiert avec le temps, dans la fidélité du quotidien. Sa mission s’inscrit pleinement dans cette pédagogie divine : une exigence patiente, une fermeté habitée d’amour, où le temps devient un allié de la grâce.

L’éducation aux vertus apprend à accueillir le temps comme un allié : on ne devient pas juste, fort ou prudent en un jour. Dieu agit dans la durée, et l’école aide à en faire une expérience concrète : apprendre à commencer, à recommencer, à persévérer. En seconde, d’ailleurs, tout le programme de formation chrétienne tourne autour des vertus afin de rendre explicite cet enseignement vécu par l’élève depuis son arrivée à l’école.

Goûter l’éternité dans le temps

Après avoir compris que le temps est une créature que Dieu donne à l’homme comme allié de la grâce pour parvenir au ciel, même si le jeune ne le comprend pas nécessairement de cette manière, il lui faut encore découvrir que le temps peut accueillir l’éternité à laquelle Dieu nous appelle.

Régulièrement, et non seulement pour les fêtes, le temps s’arrête pour les jeunes afin qu’ils puissent se réconcilier avec Dieu par le sacrement. A partir du collège ce temps trouve sa place lors d’une adoration. Tout s’arrête pour Dieu, et chacun peut prendre ce temps pour développer sa prière, sa vie intérieure et discuter ou se confesser auprès d’un prêtre.

Trois fois par an environ, ce temps est proposé, outre l’accès au sacrement de réconciliation, l’exposition du Saint-Sacrement transforme le temps dans la chapelle. D’un simple temps de préparation ou d’attente, il devient un temps avec sa propre densité. La présence liturgique du Christ permet au jeune d’entrer plus facilement en prière et lui donne une familiarité avec le Christ. Souvent, quand cela est possible, une animation chantée et des lectures proclamées rythment ce temps.

En plus de ces temps, chaque année a son propre pèlerinage, là encore l’école s’arrête pour Dieu. La pointe de ces retraites et pèlerinages se trouve dans la retraite proposée à la fin de la scolarité, en début d’année de Terminale. Par groupes de dix les élèves vont en abbayes contemplatives pour prendre le temps de discerner sur eux-mêmes, ce qu’ils sont et ce qu’ils veulent devenir. En goûtant la vie monastique nous espérons leur faire goûter la vie divine à laquelle ils sont appelés. Dans cette pédagogie du temps nous essayons, tout au long de leur scolarité, de leur faire goûter ces deux choses : le temps est appelé à accueillir l’éternité pour laquelle nous sommes faits, le temps est un allié pour parvenir à la vie divine et la faire grandir en nous. Nous n’y parvenons pas toujours, et pas pour tous. Certaines choses pour cette pédagogie du temps sont encore à améliorer : d’abord débuter la préparation lointaine à la retraite en abbaye dès le collège ; ensuite, prendre mieux en compte la progression de chacun dans cette pédagogie.

Conclusion

Sur ce sujet du temps de Dieu, l’on aurait pu continuer longtemps, par exemple l’Histoire Sainte très présente au primaire est ici peu abordée. En proposant cet article, nous avons touché du doigt l’action pédagogique de Dieu, il est le premier et véritable éducateur de nos âmes et de celles qui nous sont confiées. A travers le temps, c’est toute la théologie de l’Incarnation et de la Rédemption qui est évoquée. Comment Dieu nous sauve-t-il ? Pourquoi ne nous sauve-t-il pas d’un coup, d’un seul ?

Les différents temps de Dieu, l’eschaton des derniers temps, l’aion, le kairos, le chronos, ou encore les quatre temps qui découpent l’Histoire selon saint Augustin, tous ces temps méritent d’être traités car ces rapports au temps sont des manières très concrètes de vivre notre foi, et nous les transmettons sans nous en rendre compte, tellement ils soutiennent notre rapport au monde.

Nous nous en sommes tenus à ce développement simple, comment éduquer au temps de Dieu, cette créature dont nous pouvons faire notre alliée pour obtenir la vie éternelle. Le temps est l’outil que Dieu donne pour accueillir ce qui est son opposé : l’éternité. Un paradoxe de notre foi, – encore un ! – le Maître Intérieur pourrait d’ailleurs faire un numéro sur la manière d’enseigner tous ces paradoxes.